I- EXEMPLES DE PARAGRAPHES ARGUMENTATIFS EXTRAITS DES CARACTERES DE LA BRUYERE

Les Caractères de La Bruyère (XVIIe siècle) se présentent sous la forme de dix-sept cha­pitres composés d’une série de fragments numérotés. Chaque fragment a pour objectif de critiquer un aspect de la société et (ou) d’établir une vérité d’ordre général. La rigueur et la diversité des constructions contribuent à la force de persuasion de l’ouvrage. 

1-  L'idée directrice est expliquée par l'argument 

 

« Tout écrivain, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs, exa­miner son propre ouvrage comme quelque chose qui lui est nouveau, qu’il lit pour la première fois, où il n’a nulle part, et que l’auteur aurait soumis à sa critique ; et se persuader ensuite qu’on n’est pas entendu seulement à cause que l’on s’entend soi- même, mais parce qu’on est en effet intelligible. »  Des ouvrages de l’esprit, L, 56

2. L'idée directrice conclut l'argumentation

 

« Quand je vois d’une part auprès des grands, à leur table, et quelquefois dans leur familiarité, de ces hommes alertes, empressés, intrigants, aventuriers, esprits dange­reux et nuisibles, et que je considère d’autre part quelle peine ont les personnes de mérite à en approcher, je ne suis pas toujours disposé à croire que les méchants soient soufferts par intérêt, ou que les gens de bien soient regardés comme inutiles ; je trouve plus mon compte à me confirmer dans cette pensée, que grandeur et discernement sont deux choses différentes, et l’amour pour la vertu et pour les vertueux une troi­sième chose. » Des Grands, X

3. Les arguments sont mis en confrontation

 

« Il y a dans quelques femmes une grandeur artificielle, attachée au mouvement des yeux, à un air de tête, aux façons de marcher, et qui ne va pas plus loin ; un esprit éblouissant qui impose, et que l’on n’estime que parce qu’il n’est pas approfondi. Il y a dans quelques autres une grandeur simple, naturelle, indépendante du geste et de la démarche, qui a sa source dans le cœur, et qui est comme une suite de leur haute nais­sance ; un mérite paisible, mais solide, accompagné de mille vertus qu’elles ne peu­vent couvrir de toute leur modestie, qui échappent, et qui se montrent à ceux qui ont des yeux. » Des femmes, III, 2

 4. Le paragraphe a une structure concessive

 

« L'on dit par belle humeur, et dans la liberté de la conversation, de ces choses froides, qu’à la vérité l’on donne pour telles, et que l’on ne trouve bonnes que parce qu’elles sont extrêmement mauvaises. Cette manière basse de plaisanter a passé du peuple, à qui elle appartient, jusque dans une grande partie de la jeunesse de la cour, qu’elle a déjà infectée. Il est vrai qu’il y entre trop de fadeur et de grossièreté pour devoir craindre qu’elle s’étende plus loin, et qu’elle fasse de plus grands progrès dans un pays qui est le centre du bon goût et de la politesse; l'on doit cependant en inspi­rer le dégoût à ceux qui la pratiquent ; car bien que ce ne soit jamais sérieusement, elle ne laisse pas de tenir la place, dans leur esprit et dans le commerce ordinaire, de quelque chose de meilleur. » De la société et de la conversation, VI, 7

 5. La construction du paragraphe aboutit à une induction

 

« Celui qui, logé chez soi dans un palais, avec deux appartements pour les deux sai­sons, vient coucher au Louvre dans un entresol n’en use pas ainsi par modestie ; cet autre qui, pour conserver une taille fine, s’abstient du vin et ne fait qu’un seul repas n’est ni sobre ni tempérant ; et d’un troisième qui, importuné d’un ami pauvre, lui donne enfin quelque secours, l’on dit qu’il achète son repos, et nullement qu’il est libéral. Le motif seul fait le mérite des actions des hommes, et le désintéressement y met la perfection. » Du mérite personnel, II, 41

 

 

II- LES COMPOSANTS DU PARAGRAPHE:

  • L'idée directrice : elle constitue le noyau et le but de la rédaction du paragraphe ; c'est pour cela que chaque paragraphe n'en comporte qu'une seule . Quand on change d'idée principale ou directrice, on doit changer de paragraphe en passant à la ligne et en ménageant un retrait. 
  • Les idées-arguments : elles soutiennent et développent l'idée directrice pour mieux l'expliquer et la justifier ; sans elles, les idées directrices ne sont que des affirmations non fondées.
  • Les exemples : Ils peuvent être eux-mêmes des arguments en faveur d'une idée directrice, mais le plus souvent, ils servent à illustrer une idée-argument déjà formulée; on peut évidemment se passer d'exemples si on juge que les arguments sont clairs et n'ont pas besoin d'illustration. 

III- LE LIEN ENTRE L'IDÉE DIRECTRICE ET UNE IDÉE- ARGUMENT

L'idée directrice précède  l'idée-argument

 

Dans l'extrait 1, l'idée-argument explique ce que signifie, pour l'écrivain, se mettre à la place du lecteur

L'idée directrice suit l'idée-argument

 

L'idée directrice se présente comme une conclusion de l'idée-argument. Dans l'extrait 2, l'idée directrice débute à « Je trouve plus... » ; elle est un résultat logique du développement précédent. 

L'idée directrice suivie d'une série  d'arguments 

 

C'est l'accumulation des arguments qui donne toute sa force à la persuasion 

 Une idée directrice implicite 

 

Le lecteur est amené à déduire lui-même l'idée directrice grâce aux idées-arguments qui donnent une force à la démonstration, comme dans l'extrait 3.

IV- LE LIEN ENTRE LES IDÉES-ARGUMENTS

Un rapport de confrontation

 

Le mise en présence ou l'opposition de deux faits ou de deux arguments conduit à la formulation de l'idée directrice.

la confrontation de deux types de femme dans l'extrait 3, laisse penser que le deuxième type est meilleur que le premier.

Un lien de concession

 

L'auteur admet quelque chose (« Certes... ») avant d'opposer une objection et de formuler l'idée qu'il cherche à défendre. On recourt à ce procédé quand l'idée directrice est difficile à accepter par le lecteur. Dans l'extrait 4, la concession débute à « Il est vrai que », afin de mieux faire admettre l'argumentation de l'idée directrice.

Une relation d'induction

 

Les idées-arguments se présentent comme une série de faits particuliers qui rendent légitime la formulation d'une conclusion d'ordre général qui est l'idée directrice.

La dernière phrase de l'extrait 2  comporte une idée directrice induite par les trois faits exposés.

 Un rapport de  déduction

 

Deux idées-arguments s'articulent dans un rapport de cause à conséquence, et cet enchaînement démontre l'idée-maîtresse.

Le modèle parfait de ce raisonnement est le syllogisme qui est une déduction : tous les hommes sont mortels ; or je suis un homme ; donc je suis mortel.

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Les genres de l'argumentation

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Le texte argumentatif : définition et caractéristiques

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Étude d'un texte argumentatif : préface de Pierre et Jean de Maupassant