Présentation du plan dialectique :

Afin de construire une dissertation cohérente et pertinente, il ne faut pas accepter passivement le sujet ni le rejeter. Pour cela, il faut  envisager un plan d’ensemble qui va de la question initiale à la réponse finale. Car il s’agit de prendre position (votre thèse) après seulement avoir vérifié la validité logique et la pertinence sémantique — conceptuelle — d’autres positions (thèse ou antithèse). Mais attention, il ne s’agit pas, dans un plan dialectique,de dire blanc (thèse) puis noir (antithèse), mais de vérifier que ce qui est vrai d’un certain point de vue (moral, historique, social, psychologique, axiologique, idéologique, esthétique, philosophique, etc., du point de vue d’un auteur, d’un lecteur, d’un personnage littéraire, à une époque, une autre, etc.) ne se vérifie plus pour un autre aspect. Il s’agit donc de construire une opposition, non de se contredire. Après les concessions nécessaires, la réfutation doit conduire à reconsidérer les présupposés du problème en allant de l’assentiment, l’agrément fondé sur le sens commun à la discussion. Ainsi l’argumentation construit-elle une victoire à travers la défaite de l’adversaire dont on réfute tout ou partie de l’opinion. Quand on veut « montrer à un autre qu’il se trompe, il faut observer de quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse » dit Pascal. Ce «côté », ce sont donc les présupposés

Comprendre le plan dialectique (thèse/antithèse) :

On apprend parfois au lycée à ne pas utiliser le plan thèse/antithèse. C’est pourtant ce qu’il faut mettre en place. Encore faut-il distinguer plan et démarche: un plan dit thèse/antithèse ne consiste pas à dire une chose, à défendre un point de vue, puis d’en défendre un autre, opposé : en ce cas, effectivement, le plan thèse/ antithèse équivaut à se contredire. C’est ce qu’il faut absolument éviter. Comment? Une technique efficace consiste à inscrire sur son brouillon autant de questions que le libellé du sujet suggère : questions à partir de ce qu’il pose ainsi que de ce qu’il présuppose. Ces questions, il s’agit ensuite de les répartir en trois ensembles chacun constitué d’une question principale (ce qu’on appelle des axes ou idées directrices) s’évertuant de reprendre la totalité des questions de l’ensemble. Ce qui se réalise plutôt facilement dès l’instant où l’on connaît la démarche à suivre, mais difficilement quand les pistes d’étude sont nombreuses et que règne la dispersion. Cette démarche se nomme dialectique: elle est fondée non sur l’opposition mais sur la concession, nuance importante qu’un manuel de grammaire de base vous permet de comprendre: la concession est une proposition qui s’oppose non à la thèse mais à ce qu’elle implique, c’est-à-dire présuppose afin de la réévaluer: bonne thèse mais mauvais arguments ou mauvaise thèse mais des arguments justes.

Disserter, c’est commenter, puis discuter en concédant d’abord, en imposant d’autres présupposés ensuite. Sauf dans les cas de sujet qui présente une antithèse avec insistance, le commentaire précède alors souvent la discussion. Dans le cadre des concours, la démarche dialectique est la plus sûre En bref:

Commenter, c’est vérifier le bien-fondé du sujet, son argumentation apparente jusqu’à ce qu’elle soit intenable.

Discuter, c’est remettre en cause les arguments, dévoiler les présupposés non apparents qui commandent l’enchaînement logique entre les arguments et la thèse défendue dans e sujet.

Le mieux est d’abord de réduire la démonstration à une structure minimale et dialectique, cette organisation étant la plus sûre. En voici le schéma qui resservira à la conclusion:

  • Certes… acceptation provisoire de la thèse et des présupposés.
  • Mais… réfutation totale ou partielle de la thèse et des présupposés.
  • En fait... autres présupposés : même thèse ou autre.

Dépasser l’opposition, tel est l’objectif de la démarche dialectique.

À l’intérieur de chaque partie du raisonnement, de chaque paragraphe de chaque partie, les arguments thématiques et logiques (causes, conséquences, ressemblances, différences, formes, fonctions, points de vue, visions, etc.) doivent concourir à la démarche concessive, puis correctrice et progressivement assertive de l’ensemble. Voilà ce qui s’appelle mettre le sujet sous la pression constante du questionnement : je concède, je corrige, je rectifie !

Elaborer un plan dialectique

Thèse, antithèse, synthèse : de tous les plans d’ensemble, l’organisation dialectique est la plus sûre, la plus souvent exigée par les sujets. Mais il s’agit d’appliquer une exigence de progression (de l’apparence à la profondeur, du bon sens au sens profond, donc philosophique, du connu au moins connu, de l’accord à la discorde, de la discorde à l’alliance) ainsi qu’une logique de cohérence, à savoir ne pas déroger au principe de contradiction : pour ne pas commenter une thèse pour affirmer ensuite le contraire dans l’antithèse. En ce cas, la partie consacrée à la synthèse conduirait dans un embarras, une aporie plutôt rédhibitoire. Thèse, antithèse... malaise... ce qui explique la méfiance envers une utilisation caricaturale de la démarche dialectique, souvent plaquée en raison d’un manque d’attention aux termes du sujet dont on ne retient que ce qui ressemble au déjà connu. La  démarche dialectique n’est pas simple en effet.

Afin d’éviter de dire blanc puis de dire noir, le commentaire propose pour ce faire des arguments qui étayent la thèse en présence. Puis la discussion propose des objections, des restrictions sans opposition radicale à la thèse de l’auteur de la citation. Ruse qui permet alors la synthèse, laquelle peut montrer un autre aspect de l’affirmation présente dans le sujet sans affirmer nécessairement une opposition à l’opinion de l’auteur du sujet. Autre aspect fondé sur la recherche d’autres conceptions, à partir d’autres présupposés dégagés lors de l’analyse du sujet et, évidemment, d’une culture générale solide. C’est à ces conditions que le commentaire (thèse) et ses objections (antithèse) ne s’effondreront pas.

Les trois moments du plan dialectique

  1. Vérifier une opinion en examinant une réponse possible fondée sur ce qui est supposé admis par le sens commun et/ou l’auteur de la question. Partie qui équivaut à dégager les définitions (les données apparentes) d’une ou plusieurs notions, à vérifier une relation logique entre ces notions imposée par l’affirmation du sujet. Cette vérification s’effectue jusqu’à ce que la thèse devienne intenable.
  2. Critiquer cette opinion, en montrer le caractère intenable à partir d’une thèse contraire ou d’arguments opposés fondés sur la mise au jour des présupposés : à quelle condition est-elle acceptable ? Partie qui équivaut à envisager une autre relation logique, inverse ou distincte, à examiner les manifestations (les données réelles), les fonctions d’une notion, d’autres définitions.
  3. Proposer — sorte de coup de théâtre préparé — une autre opinion fondée sur d’autres présupposés, concepts que je définis différemment de l’auteur de l’opinion examinée. Partie qui peut correspondre à envisager la valeur profonde d’une notion (les données éthiques ou métaphysiques, souvent), un rapport logique différent sous couvert d’une redéfinition de la ou des notions             

Dominique Poulain