I. Exemple de sujet  du concours CRPE : partie 1 de l'épreuve d'admissibilité de français

1. La question relative aux textes: 

En vous appuyant sur les textes du corpus, vous montrerez ce que peut apporter au XXIème siècle l’étude des mythes antiques. 

2. Textes pour se préparer à l'analyse : 

Pour vous aider à analyser les textes et préparer la réponse à la question, les idées principales de chaque texte sont marquées à l'aide des lettres A, B et C, et numérotées de 1 à ....n.      

Texte A : Mircea ELIADE, Mythes, rêves et mystères, coll. « Idées », Gallimard, 1978. 

Qu'est-ce au juste qu'un « mythe» ? Dans le langage courant du XIXe siècle, le mythe signifiait tout ce qui s'opposait à la « réalité» : la création d'Adam ou l'homme invisible, aussi bien que l'histoire du monde racontée par les Zoulous ou La Théogonie d'Hésiode étaient des « mythes ». Comme beaucoup d'autres clichés de l'illuminisme et du positivisme, celui-ci aussi était de structure et d'origine chrétiennes; car, pour le christianisme primitif, tout ce qui ne trouvait pas sa justification dans l'un ou l'autre des deux Testaments était faux: c'était une « fable » (A1). Mais les recherches des ethnologues nous ont forcés de revenir sur cet héritage sémantique, survivance de la polémique chrétienne contre le monde païen. On commence enfin à connaître et à comprendre la valeur du mythe telle qu'elle a été élaborée par les sociétés «primitives» et archaïques, c'est-à-dire par les groupes humains où le mythe se trouve être le fondement même de la vie sociale et de la culture (A2). Or, un fait nous frappe dès l'abord: pour de telles sociétés, le mythe est censé exprimer la vérité absolue, parce qu'il raconte une histoire sacrée, c'est-à-dire une révélation transhumaine qui a eu lieu à l'aube du Grand Temps, dans le temps sacré des commencements (in illo tempore). Étant réel et sacré, le mythe devient exemplaire et par conséquent répétable, car il sert de modèle, et conjointement de justification, à tous les actes humains (A3). En d'autres termes, un mythe est une histoire vraie qui s'est passée au commencement du Temps et qui sert de modèle aux comportements des humains. En imitant les actes exemplaires d'un dieu ou d'un héros mythique, ou simplement en racontant leurs aventures, l'homme des sociétés archaïques se détache du temps profane et rejoint magiquement le Grand Temps, le temps sacré (A4).

Comme on le voit, il s'agit d'un renversement total des valeurs: tandis que le langage courant confond le mythe avec les « fables », l'homme des sociétés traditionnelles y découvre, au contraire, la seule révélation valable de la réalité. On n'a pas tardé à tirer les conclusions de cette découverte. Peu à peu, on n'a plus insisté sur le fait que le mythe raconte des choses impossibles ou improbables: on s'est contenté de dire qu'il constitue un mode de pensée différent du nôtre, mais que, en tout cas, on ne doit pas le traiter, a priori, comme aberrant (A5). On est allé plus loin: on a essayé d'intégrer le mythe dans l'histoire générale de la pensée, en le considérant comme la forme par excellence de la pensée collective. Or, comme la « pensée collective » n'est  jamais complètement abolie dans une société, quel qu'en soit le degré d'évolution, on n’a pas manqué d'observer que le monde moderne conserve encore  un certain comportement mythique: par exemple, la participation d'une société entière à certains symboles a été interprétée comme une survivance de la « pensée collective » (A6).

Il n'était pas difficile de montrer que la fonction d'un drapeau national, avec toutes les expériences affectives qu'elle comporte, n'était nullement différente de la « participation » à un symbole quelconque dans les sociétés archaïques (A7). Ce qui revenait à dire que, sur le niveau de la vie sociale, il n'existait pas de solution de continuité entre le monde archaïque et le monde moderne. La seule grande différence était marquée par la présence, chez la plupart des individus constituant les sociétés modernes, d'une pensée personnelle, absente, ou presque, chez les membres des sociétés traditionnelles (A8). 

Texte B : Les Textes fondateurs, anthologie, GF avril 2009 présentation et dossier Christian Keime 

Aussi ancien soit-il, le texte fondateur est toujours d’actualité. Des récits dépassés ? 

Est-ce bien le cas pour nous, Français du XXIème siècle, qui ne parlons plus ni grec, ni latin, qui ne sacrifions plus de vaches blanches à Hercule et qui, à la lumière des découvertes scientifiques des derniers siècles, ne croyons plus à ce que la Bible et les Métamorphoses d’Ovide, nous disent de la création du monde ? Quel est l’intérêt de connaître la vie de Moïse et celle de Jésus pour celui, qui, par exemple, n’est ni juif ni chrétien ? (B1)

Que l’on croit ou non dans ces textes, nos ancêtres, eux, y croyaient et les aimaient. C’est pourquoi le patrimoine qu’ils nous ont légué et que nous côtoyons tous les jours est plein de ces vieilles histoires. Ce patrimoine, c’est notre façon de parler et de penser, les pierres de nos villes, nos œuvres d’art et notre histoire (B2). On parle machinalement du « talon d’Achille », cette partie fragile par laquelle périt ce héros que les grecs pensaient invincible ; et la construction d’une autoroute ou d’un métro est toujours l’occasion de retrouver les fondations d’une villa romaine ou d’exhumer des fragments de vases grecs sur lesquels des artistes ont peint des scènes mémorables de la mythologie (B3). Dans nos grandes villes, le bâtiment le plus imposant demeure souvent la cathédrale, sur le portail de laquelle on trouve très fréquemment sculpté le récit de la création du monde que rapporte la Bible (B4). C’est encore ce livre qu’il faut connaître pour comprendre l’enthousiasme des chevaliers du Moyen âge partis en croisade pour libérer le tombeau du Christ (B5). Enfin, ces récits anciens continuent de nourrir la création des artistes de notre époque : indémodables, ils demeurent des histoires fantastiques dont peintres, chanteurs, cinéastes et créateurs de jeux vidéo ne cessent de s’inspirer. Une chose étonne cependant : aucun de ces textes devenus si essentiels pour la culture française n’est né en France (B6). 

Texte C : Des Mythes aux mythologies, Christophe Carlier, Nathalie Griton- Rotterdam, « Thèmes et études » Ellipses, 1994 p.81-82 

Les marques commerciales ont exploité le fonds mythologique et utilisé les réminiscences plus ou moins conscientes qui s'attachent à certains termes. Mais la lecture de certaines enseignes peut aussi rester mystérieuse (C1).

Il est judicieux  d'avoir appelé L'Argus un journal spécialisé dans la vente de véhicules d'occasion. Argus était, dans la mythologie gréco-romaine, un homme à la vue perçante, ou encore un monstre doté de quatre yeux: deux d'entre eux regardaient devant lui, et les deux autres derrière. Même pour dormir, Argus ne fermait jamais ses quatre paupières en même temps. Pour d'autres auteurs encore, le corps d'Argus était entièrement recouvert d'yeux. C'est pourquoi Héra eut recours à lui quand elle voulut que la nymphe Io, qu'elle avait par jalousie changée en génisse, fût surveillée par un gardien infaillible. Mais Zeus ordonna à Hermès de tuer Argus. Héra, reconnaissante envers son fidèle et vigilant serviteur, plaça alors ses yeux sur le plumage de l'oiseau qui lui était consacré: le paon (C2).

Ce mythe dont le détail est inconnu de la plupart des lecteurs était bien fait pour illustrer l'habileté du publiciste ou du vendeur auquel rien n'échappe. Détourné de son univers initial, le nom est parfaitement adapté à son utilisation actuelle (C3).

Le lien entre un héros homérique et une poudre à récurer était moins facile à établir. Pourtant, le nom du fils de Télamon, si courageux et si vaillant qu'il fut parfois placé sur le même plan qu'Achille, le beau nom d'Ajax, est à présent aussi familier aux consommateurs qu'aux hellénistes. Au moins l'évocation de la «tornade blanche» conserve-t-elle l'idée de force ou de combat, comme le nom de la barre chocolatée « mars » suggère encore les notions d'énergie et de succès (C4).

Il est plus étrange qu'une des neuf muses, ces filles de Zeus et de Mnémosyne (parfois aussi considérées comme les filles d'Harmonie), ait pu donner son nom à une voiture. A partir de l'époque classique, à laquelle chacune des neuf sœurs se vit attribuer la protection d'un art, Clio devint muse de l'Histoire. Cette valeur expliquait que le nom de Clio serve de blason à une collection d'ouvrages historiques, comme celui d'Érato (muse de la lyrique chorale), était devenu celui d'une marque de disques (C5).

Mais que le nom de Clio désigne désormais une voiture est sans doute la preuve ultime, s'il en était besoin, que la mythologie se prête à toutes les réincarnations (C6).

II- Corrigé du sujet 

1. Analyse des trois textes

 Premier texte 

  • A1 Pour Mircea ELIADE, auparavant, au XIXème siècle, la définition du mythe, d'inspiration chrétienne, s'appliquait à tout ce qui s'opposait à la réalité.
  • A2 Grâce à l'ethnologie on repense le mythe comme fondateur de vie sociale et comme culture des sociétés primitive
  • A3 Pour les sociétés primitives, le mythe est une histoire vraie qui indique l'exemple à suivre.
  • A4 L'imitation ou même le simple récit permet à l'homme d'accéder au "temps sacré"
  • A5 Il s'agit d'un renversement des valeurs mais le mythe est considéré comme un mode de pensée différent du nôtre.
  • A6 Le monde moderne a intégré le mythe en le considérant comme "la pensée collective", tout en observant des "survivances".
  • A7 On trouve un exemple de survivance dans la fonction du drapeau national.
  • A8 La grande différence avec les sociétés primitives réside dans la manifestation d'une pensée personnelle dans le monde moderne. 

Deuxième texte 

  • B1 Christian KEIME s'interroge sur l'intérêt qu'on peut porter aux mythes puisqu'on n'y croit plus.
  • B2 L'une des réponses est, selon lui, qu'il s'agit de notre patrimoine puisque nos ancêtres y croyaient.
  • B3 Il donne l'exemple du talon d'Achille dans le langage, et de la mise au jour accidentelle de vestiges artistiques de l'antiquité à l'occasion de grands travaux publics.
  • B4 Il évoque l'exemple des cathédrales qui fonctionnent comme une Bible à ciel ouvert.
  • B5 Et il note l'importance de cet ouvrage dans la société médiévale (Croisades).
  • B6 Dans le monde contemporain, les récits anciens sont toujours de mode et inspirent les créateurs alors qu'il s'agit, de façon paradoxale, d'une culture importée. 

Troisième texte 

  • C1 Pour Christophe CARLIER et Nathalie GRITON-ROTTERDAM la société moderne exploite le filon du mythe à travers des « réminiscences plus ou moins conscientes ».
  • C2 Ils donnent l'exemple de l'Argument. 
  • C3 L'habileté du créateur moderne, selon eux, se voit dans les implications totalement adaptées à l'objet nommé.
  • C4 Ils donnent les exemples d'Ajax et de Mars, autres exemples de la réussite du transfert d'une qualité liée au mythe dans l'image du produit.
  • C5 Ils  mentionnent  les  exemples  de  Clio  et  d'Erato  concernant,  de  façon  logique, respectivement des ouvrages historiques et une maison de disque.
  • C6 Ils s'interrogent sur la reprise de la référence à Clio dans le cadre d'une voiture et c'est la preuve, pour eux, qu'on n'en a pas fini de métamorphoser les matériaux mythique. 

2. Exemple de plan pour traiter le sujet:

a. Comment l'homme du XXIème siècle appréhende-t-il les mythes ? 

b. Comment et pourquoi les utilise-t-on ? 

  • A propos du sujet et du plan: souvent, on trouve différentes parties dans la question posée par le sujet et cela doit vous aider pour construire un plan simple sans trop perdre de te Ici, la question semble n'appeler qu'un seul développement, dans ce cas il faut repérer LE mot (ou groupe de mots) le plus important de l'intitulé et voir ce qu'il représente (ou sa définition) pour les auteurs concernés. Ce sera la première partie. On répondra plus ou moins directement à la question dans une seconde partie. 
  • "Mythes antiques" est incontournable, donc on va essayer de voir comment les auteurs les définissent ou les prennent en compte, avant de voir ce qu'ils apportent, selon eux, à nos sociétés moderne

3. Corrigé rédigé : exemple d'une réponse à la question relative aux textes

Introduction 

(Elle comporte 4 opérations: Phrase d’introduction; présentation de la liste des extraits du corpus (vous pouvez noter que l’on trouve quelques mots synthétisant le contenu de chaque texte mais c’est une prise de risque dont on peut se passer); Problématique et Plan.)

La mythologie, loin d'être oubliée par le monde moderne, est souvent remise à l'honneur à ou au goût du jour par les créateurs modernes, qu'il s'agisse d'art ou de produits de consommation. Mircea ELIADE dans un extrait de Mythes, rêves et mystères (Gallimard 1978) propose une approche ethnologique. Christian KEIME dans sa présentation de l'ouvrage Les textes fondateurs, anthologie (GF 2009) revient sur l'aspect culturel de ces références. Enfin, Christophe CARLIER et Nathalie GRITON-ROTTERDAM dans un passage Des Mythes aux mythologies (Ellipses 1994) évoquent l'ingérence des premiers nommés, de façon assez inattendue, dans notre vie quotidienne. On peut donc s'interroger sur ce qu'apporte, à notre époque, l'étude des mythes antiques en observant, à travers ces auteurs, comment notre civilisation les considère mais également comment et pourquoi on les utilise.

Première partie: elle commence lorsque c’est possible par un point commun.

Tous les auteurs sont d'accord pour dire que les mythes antiques, loin d'être oubliés, tiennent une place importante dans nos sociétés du XXIème siècle. Ils s'interrogent pourtant sur la façon dont l'homme "moderne" les appréhende. 

Christophe CARLIER et Nathalie GRITON-ROTTERDAM parlent de l'exploitation d'un "filon" à propos du mythe. Mais, comme  le souligne Christian  KEIME, on peut s'interroger sur l'intérêt que l'on peut actuellement porter aux mythes dans la mesure où on n'y croit plus. Mircea ELIADE va dans le même sens en notant que, déjà au XIXème siècle, la définition du mythe, d'inspiration chrétienne, s'appliquait à tout ce qui s'opposait à la réalité. Ce problème de la croyance est pourtant toujours d'actualité, mais plus pour notre civilisation. Il relève plutôt, toujours d'après Eliade, de ce que l'on peut étudier dans les sociétés primitives. C'est ainsi que pour Christian KEIME, l'une des réponses à cette présence contemporaine des mythes est liée à notre patrimoine puisque nos ancêtres, eux, y croyaient. ELIADE pense d'ailleurs que ce retour, cette remise au goût du jour, ont été rendus possibles grâce à l'apparition de l'ethnologie qui oblige notre société à repenser le mythe comme fondateur de vie sociale et comme culture des sociétés primitives. Il s'agit, pour lui, d'un renversement des valeurs mais le mythe est considéré, dans cette survivance contemporaine, comme un mode de pensée différent du nôtre. Outre l'ethnologie, c'est également grâce à l'archéologie, comme le souligne Christian KEIME, que la mythologie "refait surface" au sens propre lorsqu'on découvre des vestiges de villas romaines ou des fragments de poteries sur lesquelles sont peintes des  scènes fameuses. Mircea ELIADE pense également que des "survivances de la pensée collective", comme il les appelle, sont présentes au niveau comportemental, à travers l'exemple du drapeau national. De même, et toujours dans le sens d'une influence sous-jacente, Christophe CARLIER et Nathalie GRITON-ROTTERDAM parlent de "réminiscences plus ou moins conscientes".

Deuxième partie : elle commence par une transition entre les deux parties, intégrée à la seconde

Donc, d'une simple source de référence pour Christophe CARLIER et Nathalie GRITON-ROTTERDAM, à l'intégration du mythe en le considérant comme "la forme par excellence de la pensée collective" pour Mircea Eliade, nous voyons dans ces textes que l'homme  moderne, loin de renier ses racines y puise un regain de références multiples et souvent inattendues. 

En premier lieu, Christian KEIME pense au langage et il donne l'exemple du "talon d'Achille". Mais cela devient plus drôle lorsque Christophe CARLIER et Nathalie GRITON-ROTTERDAM font une liste hétéroclite comportant un journal, une poudre à récurer et une barre chocolatée. Argus, Ajax et Mars semblent prêter leurs qualités physiques ou morales, de façon presque subliminale aux produits qu'ils désignent maintenant, et ce grâce à l’habileté des publicistes. L'étude de ces corrélations, reste, comme le souligne Christian KEIME, une source de création "indémodable". Un aspect particulièrement intéressant est abordé à travers cette notion de "mystère" qui, pour Christophe CARLIER et sa collègue, semble entourer certaines évocations. Ce qui est à rapprocher des "histoires fantastiques" dont parle Christian KEIME. Cette aura mystérieuse qui entoure les mythes semble puiser dans ce que Mircea ELIADE appelle "une révélation transhumaine" qu'il qualifiera de magique. Aucun domaine de la création contemporaine n'y échappe: Christian KEIME évoque tour à tour la peinture, la musique, le cinéma, les jeux vidéos. Christophe CARLIER et Nathalie GRITON- ROTTERDAM y souscrivent également en rappelant l'exemple musical d'Erato et ils y rajoutent l'industrie automobile avec le nom de la muse de l'Histoire. L'emploi d'un même nom ou d'une même référence, dans l'exemple de Clio, prouve, pour eux, qu'il n'y existe plus de limites à ce qu'ils appellent des "réincarnations" des héros de la mythologie, alors que Christian KEIME note que paradoxalement cette source d'inspiration essentielle pour notre culture n'est pas née chez nous. Pourtant, ne retrouve-t-on pas,  à travers cette surabondance de références publicitaires, un simulacre de ce qu'ELIADE appelle "modèle au comportement des humains" déjà présent, d'après Christian KEIME, sur le portail des cathédrales ?

Conclusion: elle récapitule la réponse à la question par un retour à la fois sur les textes et la problématique

L'étude des mythes antiques au XXIème siècle se révèle, pour les auteurs de notre corpus, très riche d'enseignements. Le monde moderne s'interroge sur la nature de ces sources de référence qui fondent nos civilisations et qui semblent se réactualiser au gré de la fantaisie des créateurs contemporains. Mais les larges exemples pris dans la publicité semblent rendre caduque la dernière réflexion de Mircea ELIADE sur la présence d'une "pensée personnelle" dans les sociétés modernes.