I. La crise du roman :

1. Le renouveau du psychologique

Sous l’influence de Maurice Barrès, la psychologie, négligée dans les romans de Zola , retrouve de la profondeur. Le roman du XXe siècle cultivera l’introspection.

2. Le rejet du narrateur omniscient

L’omniscience des romanciers du XIXe siècle devient suspecte, comme l’explique Nathalie Sarraute dans L’Ère du soupçon (1956). Proust ou Céline opteront pour le point de vue subjectif d’un narrateur qui parle à la première personne, tandis qu’André Gide ou Jules Romains éclateront le roman dans une multitude de points de vue.

3. Le rejet de l’arbitraire -

Le poète Paul Valéry condamne le genre romanesque, qui ignore le souci de densité et de rigueur propre à la poésie. André Breton décrète également que le roman est un genre mort et dépassé. Le roman du XXe siècle devra donc se chercher de nouvelles règles, affirmer qu’il ne suit pas simplement les fantaisies d’un romancier.

II. Roman de l’individu, roman de la société :

1. Les romans-fleuves

Les romans-fleuves du XXe siècle perpétuent l’ambition de Balzac ou de Zola de décrire une société dans de vastes fresques où de nombreux personnages apparaissent, disparaissent et réapparaissent de façon cyclique. Le Jean-Christophe (1903-1912) de Romain Rolland, Les Thibault (1922-1940) de Roger Martin du Gard, La Chronique des Pasquier (1933-1945) de George Duhamel, brossent en huit ou dix volumes le portrait d’une société vue par une ou deux personnalités privilégiées. Avec Les Hommes de bonne volonté (1932-1946), ensemble de vingt-sept volumes, Jules Romains éclate le récit entre une multitude de personnages aux perceptions fragmentaires : c’est l’unanimisme.

2. Marcel Proust

Marcel Proust initie une révolution plus profonde encore dans l’histoire du roman. Les différents volumes dont est constitué A la recherche du temps perdu (1913-1927) en font également un roman-fleuve, mais son originalité tient à l’abandon de l’intrigue comme fil conducteur. La réalité est progressivement découverte au fil du temps par un « je » qui se constitue lui-même comme écrivain. L’univers le plus quotidien redevient un mystère à déchiffrer. L’introspection relève chez Proust d’une acuité psychologique extrême. La remarquable maîtrise du style, enfin, accorde au roman la dignité poétique réclamée par Paul Valéry.

III. Le roman engagé :

1. L’engagement religieux

L’entre-deux-guerres est l’époque des grands romanciers chrétiens. Georges Bernanos (1888-1948) et François Mauriac (1885-1970) décrivent la complexité des combats intérieurs entre le bien et le mal.

2. L’engagement politique

La question de l’engagement politique des écrivains devient cruciale dans les années 30. André Malraux, sympathisant des mouvements d’extrême gauche, prend parti pour la révolution communiste en Chine dans La Condition humaine (1933), puis en faveur des républicains dans la guerre d’Espagne avec L’Espoir (1937). Drieu La Rochelle s’oriente au contraire contre le communisme; arrêté par la Résistance, il se suicide en 1945. L’exécution de Robert Brasillach, condamné à mort pour ses écrits, relance le débat de la responsabilité des intellectuels. En 1948, Jean-Paul Sartre soutient, dans Qu’est-ce que la littérature 7, la nécessité pour l’écrivain de s’engager dans les débats politiques de son temps.

3. Les hussards

Engagé à la fin de la guerre dans un régiment de hussards contre les Allemands, Roger Nimier (1925-1962) devient le chef de file des « hussards », groupe d’écrivains qui rejettent la conception sartrienne du roman engagé à gauche et soutiennent l’idée d’un roman du plaisir, optimiste et sensuel.

IV. Les innovations du roman :

1. Une langue nouvelle

En crise d’identité, le roman se cherche une langue nouvelle dès les années 30. Louis-Ferdinand Céline marque un tournant avec l’audace de son style, mêlant argot et fantaisie verbale dans des romans burlesques et poétiques tels que Voyage au bout de la nuit(1932) ou Mort à crédit(1936). Le Chiendent(1933) de Raymond Queneau constitue une entreprise semblable d’imposer dans la littérature une langue proche de l’oral, baptisée « néo-français » par Queneau.

2. Le nouveau roman

Le nouveau roman apparaît dans les années 50 en réaction à la fois contre le roman traditionnel du XIXe siècle et contre l’engagement sartrien, Il rejette les deux aspects essentiels de l’écriture romanesque que sont la linéarité de l’intrigue et la psychologie du personnage. Ainsi, dans La Jalousie (1957) d’Alain Robbe-Grillet, la description envahit tout, et le lecteur doit chercher lui-même à en dégager un sens. La Modification (1957) de Michel Butor est entièrement écrite à la deuxième personne du pluriel, substituant au personnage principal le lecteur lui-même.

3. L’OuLiPo

L’OuLiPo « Ouvroir de Littérature Potentielle », créé en 1960, rassemble des écrivains, comme Raymond Queneau (1903-1976), qui multiplient des expériences d’écriture. Contre un roman libre de toutes règles, ils proposent l’idée d’un roman s’imposant des contraintes sévères. Ainsi, La Disparition (1969) de Georges Perec (1936-1982), s’interdit d’utiliser la lettre «e » durant ses trois cents pages : le roman tourne en effet sur une disparition mystérieuse.

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