La Symphonie pastorale est un roman de André Gide publié en 1919. Il raconte l'histoire d'un pasteur protestant qui adopte une jeune aveugle et tombe amoureux d'elle. Le livre explore les thèmes de l'amour, la culpabilité, la religion et la moralité. Il a remporté le Prix Goncourt en 1919. Le roman est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de Gide et de la littérature française du XXe siècle.
Comment peut-on résumer La symphonie pastorale?
Le récit se présente sous la forme d’un journal tenu par le pasteur de La Brévine, petit village du Jura suisse. Il recueille Gertrude, une adolescente démunie et aveugle de naissance, dont il prend en charge l’éducation morale et spirituelle, lui cachant les laideurs du monde pour ne lui rendre sensible que ses beautés. Progressivement, l’affection qu’il lui témoigne change de nature, sans que la jeune fille ni lui-même n’en prennent conscience.
En revanche, sa femme Amélie et son fils Jacques, amoureux de Gertrude, saisissent vite ce dangereux glissement. La tension entre le père et le fils ajoute à la rivalité amoureuse une opposition religieuse, le pasteur récusant la loi morale catholique héritée de saint Paul pour ne se conformer qu’à l’amour enseigné par le Christ.
La confusion du pasteur s’accroît à l’idée que Gertrude pourra, grâce à une opération, recouvrer la vue. L’opération réussie, celle-ci découvre en effet un monde à la fois plus beau et plus perverti, prend conscience de sa faute et comprend que c’est Jacques qu’elle aime en réalité. Elle se jettera alors dans la rivière et n’aura que le temps de confesser au pasteur son amour pour Jacques qui l’a convertie au catholicisme. Le journal s’achève avec le départ annoncé de Jacques au monastère.
Analyse du roman
► Une histoire simple.
Le fil de l’intrigue mis en place par Gide est d’une extrême simplicité, servi par une écriture fluide qui crée une atmosphère tout en délicatesse sur le fond de laquelle émerge en demi-teinte la psychologie des personnages, selon un art très sûr de la nuance. Le jeu de mots que constitue le titre avertit dès le départ que vont se croiser les deux motifs d’une bucolique et d’un drame de la conscience que l’habileté de Gide consiste à unifier dans une voix unique qui est celle même du principal protagoniste ; sans doute ce savant dépouillement explique-t-il l’engouement du public pour ce court récit qui débute comme un conte de fées avant de s’inverser en tragédie, en maintenant, grâce à la forme du journal, un effet de réel qui participe de l’émotion du lecteur.
Gide réussit ainsi, avec La Symphonie pastorale, à conjuguer la souplesse de l’écriture avec la rigueur de l’analyse, pour parvenir insensiblement à un dénouement en forme de catastrophe tragique qui apparente bien le texte à une structure musicale : récit débutant par un introït, puis progressant insensiblement vers le motif central (l’opération de Gertrude) qui fait pivoter l’axe majeur et introduit la coloration finale, en aboutissant à l’éclatement du noyau originel.
►Le questionnement religieux dans La symphonie pastorale.
Toutefois, le ton de ferveur qui nourrit nombre de pages (notamment lors de la discussion entre Jacques et son père) témoigne de l’intérêt de Gide pour les questions religieuses à cette époque. Le conflit majeur est bien celui qui oppose la loi morale, provenant de la conception paulinienne du Péché, à la loi christique de l’amour, conflit qui figure au centre de Numquid et tu... ? qui occupe Gide en ces années-là. En ce sens, le récit reflète donc les préoccupations de son auteur, qui entend ici dénoncer le danger d’une interprétation trop libre du texte biblique, et insister sur l’impossibilité de s’installer dans la pureté en niant la puissance de désir qui travaille tout homme. C’est pourquoi le pasteur apparaît finalement comme un père abusif qui, par la négation du corps, par l’attachement à un Amour pur, fraye en fait avec l’inceste en interdisant au fils l’accès à l’amour humain, selon un schéma mythique éprouvé que le texte réactualise.
►Vue et vision.
La Symphonie pastorale constitue dès lors l’histoire de plusieurs aveuglements, dont celui du pasteur est le plus terrible. Dans sa volonté de masquer le réel à Gertrude, il tend à redoubler sa cécité physiologique par une cécité symbolique, mais ne peut s’opposer à un retour de la réalité qui, dans tous les sens, redonne la vue à sa protégée, prenant alors violemment conscience de l’existence du Mal que son âme ne peut supporter. Il existe ainsi une symétrie inversée entre l’aveuglement du pasteur et le décillement de Gertrude lorsqu’elle recouvre la vue. Parallèle que l’on pourrait résumer en avançant que le pasteur refuse la vue pour se réfugier dans la vision qu’il inculque à Gertrude, tandis que celle-ci s’aperçoit finalement que le monde qu’elle peut enfin voir introduit un décalage tragique par rapport à la vision qu’elle en avait, lorsqu’elle le voyait par l’entremise du pasteur. Regard que sa conversion voue en définitive à la mort, la religion se révélant incapable de réformer cette distorsion optique.
Extrait de La symphonie pastorale
Mais je crois inutile de noter ici tous les échelons premiers de cette instruction qui, sans doute, se retrouvent dans l’instruction de tous les aveugles. C’est ainsi que, pour chacun d’eux, je pense, la question des couleurs a plongé chaque maître dans un même embarras. (Et à ce sujet je fus appelé à remarquer qu’il n’est nulle part question de couleurs dans l’Évangile.) Je ne sais comment s’y sont pris les autres ; pour ma part je commençai par lui nommer les couleurs du prisme dans l’ordre où l’arc-en-ciel nous les présente ; mais aussitôt s’établit une confusion dans son esprit entre couleur et clarté ; et je me rendais compte que son imagination ne parvenait à faire aucune distinction entre la qualité de la nuance et ce que les peintres appellent, je crois, « la valeur ». Elle avait le plus grand mal à comprendre que chaque couleur à son tour pût être plus ou moins foncée, et qu’elles pussent à l’infini se mélanger entre elles. Rien ne l’intriguait davantage et elle revenait sans cesse là-dessus.
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Adaptations cinématographiques de La symphonie pastorale
1. La Symphonie pastorale (1946) réalisé par Jean Delannoy, avec Michèle Morgan dans le rôle principal.
Cette adaptation cinématographique de La Symphonie pastorale d'André Gide a été réalisée par Jean Delannoy en 1946. Le film suit l'histoire originale du roman, qui raconte les conflits moraux et les sentiments d'un pasteur et de son église qui adoptent une jeune aveugle. Selon la critique, cette adaptation a été bien reçue pour sa fidélité au roman et pour les performances des acteurs.