Les regrets est un recueil de poèmes de Joachim du Bellay publié en 1558, dans lequel l'auteur exprime sa nostalgie pour son pays natal, l'Anjou, après avoir passé plusieurs années à Paris. Les poèmes sont écrits dans un style lyrique et mélancolique, et reflètent la douleur de l'auteur d'être éloigné de ses racines. "Les Regrets" est considéré comme l'un des recueils de poésie les plus importants de la Renaissance française.

Structure des Regrets 

Les poèmes du recueil sont organisés en quatre parties, chacune correspondant à une phase de son expérience.

La première partie, "Le départ", décrit les adieux de Du Bellay à son pays natal et à sa famille. Les poèmes sont empreints de tristesse et de mélancolie, et l'auteur exprime sa crainte de ne jamais revoir sa patrie bien-aimée.

La deuxième partie, "L'arrivée à Rome", relate le voyage de Du Bellay à Rome, où il est envoyé comme membre de la suite de l'évêque de Paris. Les poèmes de cette partie reflètent la curiosité et l'émerveillement de l'auteur pour cette ville nouvelle et fascinante.

La troisième partie, "Les Antiquités de Rome", décrit les impressions de Du Bellay lors de sa visite des ruines antiques de Rome. Les poèmes de cette partie sont empreints de lyrisme et d'une certaine nostalgie pour le temps passé, et Du Bellay s'interroge sur la fugacité de la vie et sur la pérennité de la mémoire.

La quatrième partie, "Le retour en France", décrit le retour de Du Bellay en France et sa réadaptation à la vie parisienne. Les poèmes de cette partie sont empreints d'amertume et de regret, et Du Bellay exprime sa nostalgie pour sa vie passée en Anjou et sa tristesse devant la futilité des plaisirs de la vie parisienne.

Dans l'ensemble, Les Regrets est un recueil de poèmes empreint de nostalgie et de mélancolie, qui reflète les sentiments de Du Bellay vis-à-vis de sa vie passée en Anjou et de sa vie actuelle à Paris. Les poèmes sont écrits dans un style lyrique et élégiaque, et expriment la douleur et l'angoisse de l'auteur face à la perte de son pays natal et de son innocence.

Les regrets : analyse du recueil

Le recueil de l’exil

Choisissant un titre évoquant immédiatement, pour un lecteur du xvi' siècle, les Tristia composés par Ovide alors qu’il se trou­vait en exil, Du Bellay manifeste ainsi tout à la fois son allé­geance au grand poète latin et la coloration majeure de son recueil. Le livre se trouve en effet marqué par sa propre expérience de l’éloignement, puisqu’il fut composé lors du long séjour à Rome (1553-1557) que fit le poète, accompagnant son oncle le cardinal Du Bellay en mission auprès du pape. En lisant les poè­mes selon l’ordre établi par Du Bellay, on retrouve une trame globalement chronologique : après la préface poétique (poèmes I à XXIV), le poète exprime sa nostalgie de la France, à travers le mythe d’Ulysse (XXV à XXXIV) puis plus directement (XXXV à XLIX), pour ensuite laisser libre cours à sa verve sati­rique (L à CXXVII) et relater enfin le voyage du retour et sa réintégration à la cour de France sous le haut patronage de Marguerite (CXXVIII à CXCI). Ce mouvement apparaît comme une sorte de trajet initiatique qui présenterait une traversée du désordre pour aboutir, in fine, à la figure tutélaire de Marguerite, colorant ainsi le recueil d’un sens néoplatonicien où l’amour ressenti envers la Dame de haute vertu constitue le gage d'une élévation spirituelle. Marguerite devient ainsi une médiatrice qui répercute la lumière divine, en en créant par retour le désir dans l’âme du poète.

Celui-ci, symbolisé par Saturne, c’est-à-dire placé sous l’égide d’un astre funeste et froid, voué à l’exil dans le monde et dans la langue, saîsîFâlors l’objet aimé comme point d’attraction de l’en­semble du recueil, et peut de ce fait affirmer la poésie comme possibilité de conversion de la douleur en chant.

Diversité et unité.

Exilé, le poète n’en est toutefois pas pour autant enfermé dans une posture élégiaque, mais contrebalance son malheur par un véritable bonheur de l'écriture, pàftâgêrijû’il est entre un senti­ment de l’inauthenticité et une certaine foi dans le poème. De sorte que le recueil se trouve organisé en variations tonales, l’élégie alternant avec la satire et la louange. Cependant, il semble pos­sible de fédérer en une posture unique ce qui relève de l’élégie et de la satire, en tant que celle-ci énonce comme en creux l’image^ idéalisée de la France : à Rome le versant grinçant qui corres­pond en fait, selon une symétrie inversée, au discours élogieux et nostalgique du pays perdu. De plus, sT l’on suit Du Bellay àffir- mant que la satire mêle le fiel, le miel et le sel, c’est-à-dire l’ironie caustique, la douceur du vers et les pointes spirituelles, on com­prend alors que le terme de « satire » est à prendre en un sens élargi, et qu’il pourrait bien, dès lors, définir la coloration géné­rale des Regrets.

La satire.

Si l’on conserve néanmoins au terme, dans un premier temps, son acception traditionnelle, force est de constater que Du Bellay donne de Rome une image exactement inverse de celle dont la gra­tifie le discours humaniste. En effet, l’ironie constante du poète s’attache à explorer la distorsion entre l’être et le paraître, en pré­sentant une galerie des visages multiples de la Ville éternelle : cour pontificale minée par la ruse, l’intrigue et la soif d’honneurs bassement acquis, vie urbaine dominée par le motif du masque, dont les courtisanes présentent la version érotisée, climat de guerre latente qui baigne les entretiens diplomatiques et les alliances entre le Vatican et les puissances opposées que sont la France et le Saint Empire de Charles Quint, toute la bigarrure de l’activité romaine se fond dans un recueil qui prend parfois les allures du reportage ou, comme l’écrit Du Bellay lui-même, du « commentaire », fondé sur la théâtralité de la comédie urbaine

dont il présente des saynètes accusant tout à la fois un goût du pit­toresque et un souci de moraliste. Ouvrant le sonnet à la satire, le poète enregistre jusqu'aux pasquinades pour faire ainsi de la satire le lieu d’une possible reconversion de la mélancolie, n’hési- lant pas à parodier, et même à inverser, les codes pétrarquistes de la poésie amoureuse de son temps, qu’il avait lui-même employés dans L’Olive. Sans doute ce choix doit-il être analysé comme la volonté d’imposer une poétique personnelle qui trouve dans Les Regrets son expression la plus aboutie.

Une poétique personnelle.

La satire de Rome l’affirme clairement : le ton épique lié à la Ville a vécu, et il est alors réinvesti par le sujet qui détourne les mythes à des fins personnelles (ainsi d’Ulysse ou de Jason). Le recueil élit domicile dans le monde clos de l’intime, c’est-à-dire qu’il opère un recentrage du sujet sur lui-même et sur son poème, la poésie, dans les pièces d’ouverture, devenant le sujet même du poème selon un mouvement particulièrement moderne. Le « je » pose dès lors un regard critique sur son propre travail et sur la souffrance qui l’écartèle entre deux lieux et deux temps. À la recherche de son écriture, Du Bellay affirme dans le regret bien plus qu’un thème : il en fait le principe de sa poétique en le posant comme terme positif, tel un désir jamais épuisé qui le pousse à passer en revue diverses formes d’expression. Au cœur du poème, ce travail du négatif transforme l’écriture en expé­rience de l’absence assumée par un sujet. C’est pourquoi le fameux « style Bas » qu’il revendique, refusant l’imitation et l’ornementa­tion pour accueillir la confession et le quotidien, finit par former une écriture singulière, un style personnel qui est celui du refus, des vers prosaïques, des « papiers journaux ». Conformément à ce qu’il fustigeait, au moment de la Deffence et illustration de la langue françoyse, comme un « langage scabreux et mal poli », il s’adonne ici à une poétique de la fluidité sensible dans le ressasse- ment des sonorités, des mêmes mots et rimes répétés à l’envi pour borner, contre la poétique de la fureur d’un Ronsard, un domaine poétique propre à un sujet unique.

Analyse des thèmes principaux du recueil 

La nostalgie pour la patrie :

Le thème principal de Les Regrets est la nostalgie de Du Bellay pour sa patrie, l'Anjou. Il exprime sa tristesse et son mal-être d'avoir quitté sa terre natale et la vie qu'il y menait. Cette nostalgie est exprimée à travers des images de la nature, de l'enfance, et de la vie simple et heureuse qu'il avait connue en Anjou.

Le déracinement et l'adaptation :

Les Regrets met également en lumière le thème du déracinement et de l'adaptation à un nouveau mode de vie. Du Bellay se trouve déraciné de sa patrie et doit s'adapter à la vie à Paris, puis à Rome. Il est confronté à des cultures et des coutumes différentes, et doit apprendre à s'adapter à de nouveaux modes de vie.

La quête de la vérité :

Les Regrets explore également la quête de la vérité et de la connaissance. Du Bellay est attiré par la culture classique de Rome et la recherche de la vérité qu'elle implique. Les poèmes de la troisième partie du recueil, "Les Antiquités de Rome", reflètent cette quête de la vérité et la fascination de Du Bellay pour les ruines antiques et les vestiges du passé.

La vanité des plaisirs mondains :

Le recueil aborde également le thème de la vanité des plaisirs mondains. Du Bellay critique la vie frivole et superficielle de la cour parisienne et les plaisirs éphémères qu'elle offre. Il exprime son regret d'avoir succombé à ces plaisirs et de ne pas avoir poursuivi une vie plus significative.

La fugacité du temps :

Enfin, Les Regrets aborde le thème de la fugacité du temps et de l'éphémérité de la vie humaine. Les poèmes de Du Bellay expriment sa crainte de la mort et sa tristesse devant le caractère transitoire de la vie. Il est obsédé par la question de la pérennité de la mémoire et de l'héritage, et se demande comment il sera perçu dans l'avenir.

En résumé, "Les Regrets" de Joachim Du Bellay explore la nostalgie pour la patrie, le déracinement et l'adaptation, la quête de la vérité, la vanité des plaisirs mondains, et la fugacité du temps et de la vie humaine. Ces thèmes sont explorés à travers des poèmes lyriques et élégiaques, qui reflètent la sensibilité de Du Bellay et sa profonde réflexion sur la vie et la condition humaine.

Extrait de Les regrets de Du Bellay

Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin, la doulceur angevine.

Ce sonnet exprime la nostalgie de Du Bellay pour son village natal en Anjou, qu'il considère comme sa véritable "province". Il fait référence à Ulysse, le héros grec de la mythologie, qui est parti faire un long voyage avant de revenir chez lui, et compare son propre exil à cette aventure. Du Bellay exprime son désir de retourner chez lui, de voir à nouveau sa maison et son village, et préfère la simplicité de la vie en Anjou à la grandeur des palais romains. Le dernier vers souligne l'importance de l'air doux et paisible d'Anjou pour Du Bellay.

Conclusion 

L'étude détaillée du recueil "Les Regrets" de Du Bellay nous permet de découvrir une oeuvre poétique marquante de la Renaissance française. À travers ses poèmes, Du Bellay nous livre un témoignage poignant de ses regrets et de ses souffrances, ainsi que de son amour pour sa patrie, la France. Le recueil s'organise autour de thèmes récurrents tels que la nostalgie, la mélancolie et la fuite du temps, qui sont exprimés avec une grande sensibilité et une profondeur émotionnelle. Les poèmes de Du Bellay sont également empreints d'une réflexion sur la poésie et la littérature, qui font de lui l'un des représentants les plus importants de la Pléiade. En somme, "Les Regrets" est un recueil de poèmes à la fois personnel et universel, qui témoigne de la richesse et de la diversité de la poésie française de la Renaissance.