Cinna, résumé acte par acte

Acte I 

Emilie, fille d’un proscrit tué sur l’ordre d’Auguste, veut venger son père en faisant assassiner l’empereur. Elle s’appuie pour cela sur Cinna, fils d’une fille de Pompée, et favori d’Auguste, en posant son obéissance comme condition à leur mariage.

Acte II

Mais l’empereur, lassé d’un pouvoir tyrannique, souhaite se démettre, et consulte sur ce point Cinna et Maxime, l’autre chef de la conjuration. Alors que le premier l’enjoint de conserver son pouvoir, afin de préserver Rome des affres de la succession, le second l’invite au contraire à se démettre d’une autorité si chère­ment acquise. Auguste suit les conseils de Cinna, lui donne Emilie en mariage, et le désigne comme son successeur.

Acte III

Cinna, pour se justifier, a expliqué à Maxime les exigences amoureuses de sa maîtresse. Or, Maxime, lui, est secrètement amoureux d’Émilie. Euphorbe, son affranchi, l’invite alors à dénoncer Cinna à Auguste, afin d’obtenir Émilie en échange. Mais Cinna, touché par la libéralité d’Auguste, hésite à accom­plir la volonté de son amante.

Acte IV

Auguste, averti par Euphorbe de la conspiration, ne sait s’il doit punir ou pardonner. Sa femme Livie l’invite à la clémence. Emilie, quant à elle, refuse de suivre Maxime dans sa fuite.

Acte V

Cinna, face aux accusations d’Auguste, maintient sa position. Emilie vient alors s’accuser de la responsabilité de la conjuration. Les deux amants s’apprêtent à mourir, lorsque Maxime vient à son tour se dénoncer. Auguste décide alors brutalement de leur pardonner à tous, en accordant de surcroît à Cinna le consulat. Livie conclut cette action en prophétisant l’apothéose de ce prince magnanime.

 

Analyse de Cinna de Corneille

Des personnages en crise

La pièce s’ouvre en effet sur des personnages en crise mettant en péril la conception héroïque du pouvoir. Tous, à un niveau différent, sont concernés par cette déchéance. Émilie tout d’abord, qui met au service d’une vengeance filiale un machiavélisme personnel ; tous les moyens sont mis en œuvre pour obtenir la tête d’Auguste : calculatrice, elle transforme son amour pour Cinna en chantage permanent, et se pose comme prix d’une transaction meurtrière. Prétendant servir Rome en vengeant un proscrit :

La liberté de Rome est l’œuvre d’Émilie (v. 110),

elle transforme en réalité cette action en passion individuelle. En cela, elle déchoit de la morale aristocratique. Cinna n’est pas épargné, qui trahit sa morale au profit du seul sentiment amoureux. Esclave lucide d’Émilie, il cède à un projet qu’il méprise.

En effet, la grandeur d’Auguste à laquelle il est sensible, et la chaleur avec laquelle il défend les valeurs de la monarchie, l’empêchent d’adhérer aux projets républicains d’Émilie. Et pourtant, par faiblesse d’âme, il est prêt à se rendre aux volontés de sa maîtresse, quitte à mourir ensuite pour ne pas survivre à un geste qui lui semble dégradant. Même les actes d’Auguste sont suspects au début de la pièce : sa lassitude du pouvoir, qui le pousse à demander à d’autres de choisir s’il doit ou non gouverner, est contraire à la morale héroïque, puisqu'il cherche en dehors de lui une solution qui ne peut venir que de lui-même. Pire encore, cette abdication devant le pouvoir s'apparente à une peur de mourir, indigne d’un monarque. À ce tableau pessimiste s’ajoute le pragmatisme de Maxime, prêt à trahir sa cause pour obtenir Émilie. Euphorbe n’est, quant à lui, que l’agent concret de cette trahison. À partir de cette situation périlleuse pour la morale aristocratique, Corneille va progressivement amener les personnages à un dépassement, à un avènement de l’héroïsme.

Le personnage d'Auguste ou l’accès à la maîtrise

Le chemin menant à cette reconquête est ardu. La situation semble en effet aller en se dégradant : Auguste apprend non seulement la conspiration de Cinna, mais la responsabilité de celle qu’il considère comme sa propre fille, Émilie. La révélation ultime de la traîtrise de Maxime ne fait qu’amplifier le désordre généralisé. Comme le dit Auguste :

En est-ce assez, ô ciel ! Et le sort, pour me nuire,

A-t-il quelqu’un des miens qu’il veuille encore séduire ?

(v. 1693-1694).

C’est alors que se produit la fameuse conversion d’Auguste, qui décide de pardonner aux coupables, alors qu’il était sur le point de les châtier. Ce revirement, véritable coup de théâtre, ne doit pas être lu comme un mouvement de pur machiavélisme, qui permettrait à Auguste de neutraliser des ennemis dangereux, mais comme un mouvement de conquête douloureux sur lui-même.

En effet, en se rendant maître de ses sentiments de vengeance, ou de sa volonté précédente de mourir pour se substituer à toute décision, il accède à un nouveau statut héroïque qui l’élève au- dessus de ses opposants, puisqu'il intègre les forces de l’opposition à la consolidation de son propre pouvoir. Il procède ainsi à un dépassement de la raison politique dans l’acte éthique, c’est- à-dire qu’il consacre la victoire de l’individu sur sa fonction. En invitant de surcroît les coupables à la même magnanimité envers Euphorbe, il propage un mouvement généreux qui accroît sa victoire. Il substitue donc à l’acte destructeur de la vengeance, l'acte créateur de sa propre gloire. Enfin, l’apothéose d'Auguste que prophétise Livie donne à ce revirement un caractère religieux, puisqu’il implique une reconnaissance du Ciel : l’ordre nouveau semble alors accrédité par la puissance divine elle-même.