I- Exemples de textes injonctifs

Texte 1: une injonction politique

Le 24 septembre 1789, devant l’assemblée constituante, Mirabeau adjure les députés d’accepter la création d’un impôt exceptionnel pour éviter la banqueroute ; il n’y a pas à hésiter, les riches doivent payer.

« Mes amis, écoutez un mot, un seul mot. Deux siècles de déprédations et de brigan­dage ont creusé le gouffre où le royaume est près de s’engloutir. Il faut le combler ce gouffre effroyable ! eh bien, voici la liste des propriétaires français. Choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens ; mais choisissez ; car ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple ? Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit. Ramenez l’ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le royaume... Frappez, immolez sans pitié ces tristes vic­times ! précipitez-les dans l’abîme ! il va se refermer... vous reculez d’horreur... Hommes inconséquents ! hommes pusillanimes ! Eh ! ne voyez-vous donc pas qu’en décrétant la banqueroute, ou, ce qui est plus odieux encore, en la rendant inévitable sans la décréter, vous vous souillez d’un acte mille fois plus criminel, car enfin cet horrible sacrifice ferait du moins disparaître le déficit. »

Mirabeau, Sur la banqueroute

 

Texte 2: un dépliant touristique

« • Vous sortez de l’Office du tourisme et gagnez à gauche la Maison Carrée, temple romain unique au monde par sa beauté et son exceptionnel état de conservation. Sur le boulevard V. Hugo, visitez l’église Sait-Paul (XIXe siècle) de style romano- byzantin ; à l’intérieur, fresques de Flandrin.

• Un peu plus loin, le lycée Daudet, ancien hôpital général. Face à son entrée, par la rue de la Monnaie, gagnez la place du Marché, où se tenait le marché aux grains au Moyen Age. La fontaine et le crocodile rappellent les armoiries nîmoises. »

 

Lorsque l'auteur d'un texte veut conseiller ou dicter un comportement à un destinataire, dans les situa­tions les plus diverses, il a recours au texte injonctif

II- Fonctions du texte injonctif

Les fonctions du texte injonctif dépendent de la situation d'énonciation.

  • Si l'émetteur exerce un pouvoir réel sur le destinataire, le texte injonctif transmet un ordre. Exemple : Les lois et règlements.
  • Si l'émetteur n'a que l'autorité d'une compétence dont il veut faire profiter le desti­nataire, le texte injonctif transmet des conseils. C'est le cas du texte de Mirabeau. Le texte peut même alors indiquer très concrètement une marche à suivre : les modes d'emploi et les recettes de cuisine sont des textes injonctifs.
  • Si c'est le destinataire qui détient le pouvoir, le texte injonctif devient une prière.

III- Caractéristiques d'organisation

  • L'organisation chronologique. S'il y a un ordre chronologique d'exécution, il est res­pecté dans la succession des phrases ou des paragraphes.

Exemple : Le guide touristique sur Nîmes présente les lieux dans l'ordre de la marche. De ce fait, c'est un ordre chronologique, car il correspond à ce que le touriste va pouvoir suc­cessivement faire.

  • La constance du ton employé. Le ton avec lequel l'émetteur s'adresse au destinataire contribue à l'unité de l'ensemble. Il dépend de la fonction du texte (conseil, ordre, prière... ), et du statut que le destinataire occupe par rapport à l'émetteur. Il peut donc aller, selon les textes, du conseil affable à l'ordre agressif.

Exemple : Mirabeau emploie le ton du conseil pressant et fougueux, tandis que le ton du dépliant touristique s'adapte au pas tranquille du promeneur.

Caractéristiques lexicales

  • Les verbes. Les verbes indiquant l'action et de mouvement sont très fréquents.-

Exemple : Dans le texte de Mirabeau, se succèdent les verbes suivants : « choisissez... ramenez... frappez... immolez... précipitez... »

  • Les champs lexicaux. Les champs lexicaux dominants appartiennent le plus souvent au domaine de l'action envisagée.

Exemple : Mirabeau, parce qu'il veut la création d'un impôt, parle d'argent : « riches » ; « possèdent »;« déficit » (deux fois); « finances »;« banqueroute ».

  • L'interpellation. Elle prend des formes très diverses, qui dépendent du ton et de la fonction du texte.

Exemple : Mirabeau commence par une formule consacrée du discours, « Mes amis », puisqu'il est en position d'orateur ; et quand il s'enflamme les interpellations deviennent agressives, mais d'une agressivité autorisée par la passion : « hommes inconséquents ! hommes pusillanimes ! »

IV- Caractéristiques grammaticales

  • Les verbes. Ils sont à des modes et des temps qui expriment les diverses nuances de l'ordre et du conseil : l'impératif est évidemment le plus fréquent, mais on trouve aussi l'infinitif (dans le mode d'emploi), le conditionnel (ordre atténué ou conseil), l'indicatif futur (projection dans l'avenir de ce qui est à faire). On rencontre souvent aussi : « il faut que », « on doit »...
  • Les expansions du nom. Elles sont limitées. Ce sont les groupes verbaux qui ont ten­dance à dominer dans l'organisation syntaxique de la phrase.

Exemple : même le discours de Mirabeau, qui est plein de passion, limite les adjectifs et autres développements autour du nom.

  • La subordination. Elle est relativement rare, et les phrases peuvent même être très courtes ; elles présentent les actes à accomplir en les distinguant nettement les uns des autres, sans enchâssement.

Exemple : le deuxième paragraphe du guide touristique, pourtant très court, possède trois phrases.