L’auteur comique peut-il « corriger les vices des hommes »? Molière pense qu’il peut, du moins, « travailler à rectifier et adoucir les passions » (Préface du Tartuffe). Les grandes comédies contiennent toujours une thèse qui ne commande pas l’action, mais ressort naturellement du jeu des caractères. Il en résulte certaines ambiguïtés, comme dans Dom Juan, où le « méchant homme » a des côtés sympathiques, et dans le Misanthrope, où l’on hésite entre Alceste et Philinte. Mais ce théâtre y gagne en richesse et en profondeur : au lieu de subir une leçon de morale, nous saisissons des personnages dans leur réalité complexe, et c’est la vie elle-même qui nous invite à la réflexion.

I-  LES PRINCIPALES THÈSES DE MOLIÈRE        

Devant les problèmes que pose la vie, Molière a une fraction d'humeur, réaction sommaire qui traduit son tempérament et qu’on a appelée sa « philosophie » de la nature. Mais il est des questions qu’il a étudiées de plus près.

I-  La préciosité

Il est impitoyable pour la préciosité ridicule des « pecques provinciales », des bourgeoises prétentieuses et des « gens à latin ». Cette caricature n’est certes pas une image fidèle des salons épris de bon goût et d’« honnêteté », mais, à travers la fantaisie de ses peintures, c’est le principe même de la préciosité qui est atteint. Précieuses et « femmes savantes » ont la sotte prétention de vouloir se distinguer du commun, de ne vivre que pour l’esprit et de mépriser « la partie animale dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale » (Femmes Savantes., v. 47-48). Molière raille la pruderie de ces femmes qui veulent retrancher de la langue les « syllabes sales » et repoussent le mariage comme un esclavage vulgaire et grossier (Femmes Savantes, I, 1). Il s’en prend à l'affectation de leurs moeurs et surtout de leur langage : abus des périphrases et des métaphores, poésie futile et artificielle des « beaux esprits » (Précieuses ridicules, sc. 9; Femmes Savantes, III, 2; Misanthrope, I, 2). C’est ALCESTE qui, avec sa rude franchise, exprime le sentiment de Molière sur la préciosité :

« Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure/ Et ce n'est pas ainsi que parle la nature. »

2- L’éducation des filles

Cette question préoccupait le XVIIe siècle. Fallait- Il en rester à l’enseignement surtout pratique des couvents? La petite élite des précieuses et des savantes revendiquait au contraire le droit d’être mathématiciennes, physiciennes et philosophes, comme les hommes. Molière conseille l’éducation par la douceur : « C’est l’honneur qui les doit tenir dans le devoir/ Non la sévérité que nous leur faisons voir » (Ecole des Maris, v. 166-167). Il ne croit pas que l’ignorance soit le plus sûr garant de la vertu, et se prononce pour une « honnête liberté » (École des Femmes, I, 1).

Une femme d’esprit peut trahir son devoir / Mais il faut pour le moins qu’elle ose le vouloir,

Et la stupide au sien peut manquer d’ordinaire / Sans en avoir l’envie et sans penser le faire.

Mais, s’il nous montre l’échec de Sganarelle et d’Arnolphe, partisans de la contrainte et de l’ignorance, MOLIÈRE n’est pas davantage partisan des « femmes docteurs ». Grammairiennes, astronomes et philosophes, desséchées par l’abus de la science, perdent leur charme féminin et leurs qualités de maîtresses de maison. Sans penser comme Chrysale que le savoir de la femme doit se réduire « à connaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse », ses préférences vont à la jeune HENRIETTE : ni philosophe ni helléniste, elle est vertueuse, sensée et même spirituelle; elle sait regarder, comprendre, placer au besoin le mot juste, et c’est cette réserve intelligente qui fait tout son charme. Cet idéal qui correspond à celui de « l’honnête homme » s’exprime par la bouche de CLITANDRE : Je consens qu’une femme ait des clartés de tout, / Mais je ne lui veux point la passion choquante/ De se rendre savante afin d’être savante.../ Qu’elle sache ignorer les choses qu’elle sait (F. Sav., v. 218 sq.).

Une jeune fille ainsi élevée doit devenir une épouse comme ELMIRE, pleine de distinction et de charme, élégante, spirituelle, maîtresse d’elle-même et parfaitement vertueuse, d’une vertu discrète et « qui ne soit point diablesse » (Tartuffe, v. 1334).

3- L’amour et le mariage

Un auteur dramatique est naturellement conduit à se poser ces problèmes; MOLIÈRE les résout peut-être d’après sa propre expérience.

  • L’amour

C’est un élan du cœur, jailli des profondeurs de l’instinct, qui ne dépend ni du mérite, ni du bon sens, ni de la sagesse : « Le caprice y prend part et, quand quel¬qu’un nous plaît, Souvent nous avons peine à dire pourquoi c’est » (F. Sav., v. 1499- 1500). On ne saurait l’imposer par la force ni par la raison (Misanthrope, 1297 sq.) :

Je sais que sur les vœux on n’a point de puissance,

Que l’amour veut partout naître sans dépendance,

Que jamais par la force on n’entra dans un cœur,

Et que toute âme est libre à nommer son vainqueur.

ALCESTE voudrait se persuader que la raison lui interdit d’aimer l’indigne Célimène, « Mais la raison n’est pas ce qui règle l’amour» (v. 248). Quant au malheureux ARNOLPHE, (que peuvent ses arguments contre la jeunesse et le charme naturel d’Horace?

  • Le mariage

Molière combat la conception autoritaire qui avait cours au XVIIe siècle. Il nous rend odieux les parents qui veulent marier les enfants contre leur inclination. Il nous montre la révolte de l’instinct chez les jeunes filles : Élise, Mariane parlent de se tuer plutôt que d’épouser Anselme ou Tartuffe. Il évoque le malheur et les infidélités qui découlent des mariages contre l’amour (cf. Tartuffe, II, 2; L’Avare, I, 4; Femmes Savantes., V, 1). Dorine plaide la cause de toutes les mal mariées quand elle invite Mariane à supplier son père :

...Lui dire qu’un cœur n’aime point par autrui

Que vous vous mariez pour vous, non pas pour lui,

Qu’étant celle pour qui se fait toute l’affaire,

C’est à vous, non à lui, que le mari doit plaire.

Pour MOLIERE, le mariage est « une chose sainte et sacrée » (Les Précieuses ridicules, sc. 4), qui doit apporter à la femme la joie et non le renoncement. « Il y va d’être heureux ou malheureux toute sa vie »; aussi faut-il que les époux soient assortis « d’âge, d’humeur et de  sentiments » (L'Avare, I, 5). Il y faut aussi l’harmonie des conditions : les mésalliances aboutissent à des heurts familiaux (Bourgeois Gentilhomme, III, 2) et à des infortunes conjugales (George Dandin). Loin de reposer sur l’obéissance où la femme doit être « pour son mari, son chef, son seigneur et son maître » (École des Femmes, III, 2), le mariage heureux sera l’accord de deux êtres qui s’aiment. « Je vous refuse », dit noblement Alceste à Célimène, « Puisque vous n'êtes pas, en des liens si doux, Pour trouver tout en moi comme moi tout en vous. » Est-il une plus noble définition du mariage?

4- La Religion

Molière était-il secrètement libertin? Dans Dom Juan, a-t-on dit, la religion n’est défendue que par l’imbécile Sganarelle contre le libertinage d’un homme supérieurement intelligent (p. 207). Mais c’est oublier les leçons que donnent à Dom Juan sonpèreDom Louis, sa femme Dona Elvire et le pauvre, chrétien sublime qui « aime mieux mourir de faim » que de blasphémer. D’ailleurs on en saurait accuser l’auteur de tendresse pour le « méchant homme ». Peut-être faut-il simplement expliquer la chose par le réalisme de Molière : n’y a-t-il pas des Dom Juan parmi les libertins et des Sganarelle parmi les dévots?

  • Les Faux Dévots

L’auteur du Tartuffe se défend d’être libertin (v. 1621). Il met cette accusation sur le compte des hypocrites qui veulent le perdre : C'est être libertin que d'avoir de bons yeux » (v. 320). Aussi multiplie-t-il les distinctions entre l’hypocrisie et la dévotion. Il dénonce les faux dévots et leur grimace « sacrilège et trompeuse », ces « charlatans » qui se jouent à leur gré « de ce qu’ont les mortels de plus saint et sacré » et veulent « par le chemin du Ciel courir à leur fortune ». Dans une tirade indignée (1, 5), c’est sa cause personnelle qu’il défend, avec une verve satirique qu’on retrouve dans Dom Juan (p. 207). Par contraste, il proclame son respect pour « les bons et vrais dévots »; mais la définition qu’il en donne a pu prêter à des confusions regrettables.

  • Les « Parfaits dévots »

Par la bouche de Cléante, en effet, Molière ne se contente pas de dénoncer les hypocrites. Peut-être à la suite de ses démêlés avec la puissante Compagnie du Saint-Sacrement, il prend aussi parti contre la dévotion rigoureuse et envahissante qu’on rend insupportable « Pour la vouloir outrer et pousser trop avant » (v. 344). Mais comme, dans la même tirade, il attaque tour à tour les hypocrites et les dévots « excessifs » qui poussent leur conviction sincère jusqu’à l’intolérance, on a accusé MOLIÈRE de les confondre et de ramener la dévotion à la « grimace » hypocrite.

Pourtant, il s’est efforcé de définir les « parfaits dévots », les « dévots de cœur » qui restent dans les limites de la « juste nature » et pratiquent l’indulgence et la modération. « C’est par leurs actions qu’ils reprennent les nôtres », dit-il. « Et leur dévotion est humaine et traitable. » Prenant parti contre les rigueurs du jansénisme, Molière n’adhérait pas pour autant à la morale relâchée de certains casuistes. Il y a dans Tartuffe des formules qui pourraient être issues des Provinciales : elles condamnent ces « accommodements » avec le ciel qui permettent « D’étendre les liens de notre conscience Et de rectifier le mal de l’action Avec la pureté de notre intention » (cf. v. 1486-1506 et 1591- 1592). Ainsi, repoussant le jansénisme et la morale relâchée, Molière pense qu’on peut aimer Dieu et faire son salut tout en goûtant honnêtement les douceurs de la vie.

  • Exemple de DOM JUAN « Un grand seigneur méchant homme est une terrible chose. »

Dom Juan, libertin et débauché, abandonne sa femme ELVIRE et projette d'enlever une jeune fille à son fiancé : « Je me sens un cœur à aimer toute la terre. » Sauvé d'un naufrage par le paysan PIERROT, il fait la cour à CHARLOTTE, fiancée de son sauveur, ainsi qu'à MATHURINE : il promet aux deux paysannes de les épouser. Ne croyant ni au Ciel ni à l'Enfer, il tente d'acheter la conscience d'un PAUVRE, mais ce dernier refuse de jurer, et Dom Juan finit par lui donner un louis « pour l’amour de l’humanité ». Avec quelle élégance il éconduit son créancier, M. DIMANCHE!

Mais, passant devant le tombeau d'un COMMANDEUR qu'il a tué six mois plus tôt, il l'a invité à dîner, par bravade : la statue a acquiescé d'un signe de tête! Elle vient en effet à sa table et, à son tour, invite Dom Juan, qui fait bonne contenance et accepte.

MOLIERE, le premier, a complété le portrait du Dom Juan traditionnel en en faisant un hypocrite de religion (acte V). Il reçoit très dévotement son père et lui laisse croire qu'il va s'amender. Mais, aussitôt après, il détrompe son inséparable valet, le crédule SGANARELLE, qui remerciait déjà le Ciel de cette conversion.

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  • Extrait de Dom Juan (V,2): « L'hypocrisie, vice privilégié »

Dans cette tirade, c’est Y auteur lui-même que nous entendons. Lancé dans la bataille du Tartuffe, Molière saisit l’occasion de dire leur fait à ses adversaires. On étudiera dans quelle mesure cette peinture satirique de l’hypocrisie trouve son application dans le Tartufe et son illustration complémentaire dans la lutte de Molière contre la « cabale ».

SGANARELLE : Quoi? Vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger en homme de bien?

. DOM JUAN : Et pourquoi non ? Il y en a tant d’autres comme moi, qui se mêlent de ce métier, et qui se servent du même masque pour abuser le monde!

SGANARELLE : Ah! Quel homme! Quel homme!

DOM JUAN : Il n’y a plus de honte maintenant à cela : l’hypocrisie est un vice ii la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui   l’imposture est toujours respectée pet quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais l’hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit rn repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les jette tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés6, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de .leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé 7 adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde.  On a beau savoir leurs intrigues et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes; mais j’aurai soin de me cacher et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des Intérêts du Ciel, et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.

SGNANARELLE : O Ciel! Qu’entends-je ici? Il ne vous manquait plus que d’être hypocrite pour vous achever de tout point, et voilà le comble des abominations.

A ces raisonnements cyniques, le pauvre SGANARELLE ne peut opposer que des arguments stupides, une série incohérente de proverbes et d'absurdités. Dès la scène suivante, DOM JUAN, refuse hypocritement à Dom Carlos, frère d'Elvire, de réparer ses torts : comment reprendrait-il sa femme puisqu'il se retire du monde? « J’obéis à la voix du Ciel », dit-il.

Mais voici la STATUE DU COMMANDEUR qui l'invite à lui donner la main. Sans trembler, DON JUAN tend sa main : aussitôt son corps « devient un brasier ardent » et il est précipité dans les abîmes au milieu d'un fracas de tonnerre.    

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II- LA « PHILOSOPHIE»  DANS LES OEUVRES DE MOLIÈRE

Peut-on parler avec Brunetière d’une « philosophie » de Molière? Plutôt qu’une doctrine organisée, il faut voir dans les tendances surtout pratiques de sa morale un « art de vivre » issu de son tempérament et de son expérience.

1-  La « juste nature »

La grande règle est pour lui la nature, qu’il faut prendre au sens classique de bon sens et raison, plutôt qu’au sens du naturalisme du XVIIIe siècle. Il ne divinise pas l’instinct et les désirs, mais il pense qu’il y a des instincts raisonnables et des passions qui ne sont pas forcément funestes. Vouloir les méconnaître, c’est s’exposer à des échecs. Arnolphe, Armande, M. Jourdain, Alceste même voudraient braver la nature : elle ne tarde pas à reprendre ses droits. Par goût de la « juste nature », Molière, comme BOILEAU, s’attaque à tous les déguisements, à tous les excès : déguisement littéraire des précieux, déguisement des bourgeois en gentilshommes, des femmes en bas-bleus, fausse science des médecins, excès de la franchise (Alceste) ou de la dévotion (Orgon). Il s’attaque enfin à l'hypocrisie avec Tartuffe, et surtout avec Dom Juan, qui est d’abord contre nature (« un monstre dans la nature ») et finit par devenir un hypocrite comme Tartuffe.

2- Le conformisme de Molière

 On lui a reproché sa morale du « juste milieu », ses formules platement conformistes : « Toujours au plus grand nombre on doit s'accommoder »; il vaut mieux souffrir d’être au nombre des fous « Que du sage parti se voir seul contre tous » (École des Maris). « La parfaite raison fuit toute extrémité Et veut que l'on soit sage avec sobriété » (Le Misanthrope). Les personnages qu’il attaque se singularisent par leur affectation, leur aveuglement, leur excès, et c’est au nom du bon sens bourgeois qu’il les couvre de ridicule. Aussi ROUSSEAU l’accuse-t-il de plier lâchement devant la société, de vouloir corriger non les vices, mais les ridicules; VOLTAIRE voit en lui le « législateur des bienséances du monde » : autant dire qu’il n’est pas vraiment moraliste.

Si MOLIÈRE, en effet, est souvent conformiste, c’est qu’il croit à la nécessité d’une morale sociale; mais il faut éviter de sous-estimer cet idéal de sagesse raisonnable, cette voie moyenne chère à MONTAIGNE et dont l’accès n’est pas toujours si facile ! Il lui arrive d'ailleurs de proposer une morale plus relevée : l’idéal de la « femme d’esprit » qui agit en pleine conscience, celui d’Elmire si parfaitement maîtresse d’elle- même (Tartuffe, IV, 3) rejoignent la morale aristocratique des « gens libères » dont parle RABELAIS. Le Misanthrope, où l’homme vertueux devient ridicule parce qu’il n’est pas « sage avec sobriété », peut passer à première vue pour « le triomphe du public », selon le mot de R. Fernandez; mais n’y a-t-il pas aussi toute une satire de la société par ALCESTE, qui paraît bien être sur ce point l’interprète de Molière? Le dénouement, où se dégage habituellement le sens de ses comédies, n’a rien de conformiste, c’est une sécession :

Trahi de toutes parts, accablé d’injustices, / Et chercher sur la terre un endroit écarté / Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices / Où d’être homme d’honneur on ait la liberté.

A la fin de cette pièce où la vertu extrême a été bafouée, nous entendons la protestation d'un homme contre cette amère vérité morale : la vertu et le siècle sont inconciliables.

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